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Photo du rédacteurFrancois Gautier

INDE : PAUVRETE, CLICHES ET SLUMDOG MILLIONNAIRE

Pourquoi donc, un film comme Slumdog Millionnaire, qui véhicule une image négative de l’Inde – bidonvilles, exploitation, pauvreté, corruption, pogroms anti musulmans – rencontre-t-il tant de succès en Occident?

Par Tiego Bindra

Il existe plusieurs réponses :1) Lorsque les missionnaires entreprirent d’évangéliser l’Inde, ils se rendirent rapidement compte que l’hindouisme était une religion qui était non seulement pratiquée par une énorme majorité, mais aussi qu’elle était fortement ancrée dans la mentalité des Indiens. Ils se décidèrent donc à noircir les ‘défauts’ de la religion hindoue, en les multipliant par cent: castes, pauvreté, mariages d’enfants, superstitions, sort des veuves, sati… Aujourd’hui ces clichés perdurent et s’attachent à l’image que nous avons de l’Inde

2) Nous, Occidentaux, continuons à souffrir d’un complexe de supériorité par rapport aux peuples du Tiers Monde en général et de l’Inde en particulier. Assis devant notre télévision à l’heure des informations, un steak frites devant nous, il nous plaît de nous apitoyer sur la misère des autres, cela flatte notre ego. C’est pour cela que des livres tels que la Cité de la Joie de Dominique Lapierre, qui donnent l’impression que l’Inde est un vaste bidonville, ou un film comme Slumdog Millionnaire, qui manie adroitement les demi mensonges, connaissent un tel retentissement.

3) Dans ce film, les ennemis de l’Inde se donnent la main. Aujourd’hui, les milliards de dollars que des paroissiens crédules donnent aux œuvres de charité servent à convertir les plus pauvres de l’Inde. Une fois convertis, on leur apprend à haïr leur culture, leur religion, créant ainsi un déséquilibre dans la psyché indienne. Le fondamentalisme islamique s’acharne également sans pitié contre l’Inde, comme l’ont démontré les récents attentats de Mumbai. Les communistes indiens qui sont au pouvoir dans trois états, ont fait alliance avec les adventistes (et autres sectes protestantes radicales) et les musulmans fondamentalistes contre les hindous. Et enfin, l’américanisation à outrance entame sérieusement le capital culturel et social indien. Slumdog joue sur tous ces clichés d’une façon mensongère.

4) Plus près de nous, en France, l’Indianisme français, incarné par les chercheurs d’Asie du sud du CNRS, ainsi que par ses affiliés tel l’EHESS, s’est souvent fait le vecteur de misérabilisme: castes, pauvreté; et de ‘négationnisme’: le ‘fondamentalisme hindou’. Peut-on faire contresens plus flagrant ? L’hindouisme a fait preuve tout au long de son histoire d’une remarquable tolérance, permettant aux chrétiens de Syrie, aux marchands arabes, aux parsis de Zoroastre, aux juifs de Jérusalem, persécutés chez eux, de s’établir en Inde et d’y pratiquer leur religion en toute liberté. Au début du film, la mère de Jamal a la gorge tranchée par des fanatiques hindous. Mais ce sont les musulmans qui égorgent ‘live’ un Daniel Pearl et diffusent le film sur internet – jamais les hindous. En Inde les émeutes sont toujours initiées par les musulmans: les pogroms antimusulmans du Gujarat ont été déclenchés parce que 59 hindous, dont 36 femmes et enfants, furent brûlés comme dans chiens dans un train par une meute de musulmans.

5) Et finalement, il est vrai que les Indiens, parce qu’ils ont été colonisés si longtemps (contrairement aux Chinois), n’ont pas énormément de fierté nationale et sont même quelquefois fiers d’être critiqués. Aujourd’hui une grande partie de l’élite intellectuelle indienne a perdu contact avec ses racines culturelles ainsi que spirituelles et regarde uniquement vers l’Occident pour résoudre ses problèmes, en ignorant ses propres outils, qui sont pourtant très anciens et possèdent une infinie sagesse. C’est l’éternelle histoire des colonisés qui deviennent plus sectaires encore que les colons.

Commente expliquer autrement que Slumdog Millionnaire, qui littéralement défèque sur l’Inde dès les premières images (un enfant qui plonge dans une mer de merde pour obtenir un autographe d’Amitabh Bacchan), fasse un tel tabac ? Certaines des scènes du film n’existent pourtant que dans l’imagerie pervertie de Danny Boyle le réalisateur, car on ne les trouve pas dans le livre de Vikas Swarup, un diplomate indien, dont le film est tiré. Le héro du film (qui n’est pas musulman, mais à religions multiples : Ram Mohammad Thomas) ne passe pas son enfance à Bombay, mais dans un orphelinat catholique de Delhi. La mère de Jamal n’est pas assassinée par des ‘hindous fanatiques’ dans le livre, mais elle abandonne son nouveau né, dont on ignore la religion dans une église. Torturer Jamal n’est pas une idée du présentateur de télévision, mais d’un Américain qui en veut au Russe qui a racheté les droits du jeu télévisé. La scène larmoyante des trois enfants abandonnés sous la pluie n’est également pas dans le livre. Jamal et son héroïne ne se rencontrent que lorsqu’ils sont adolescents et ils vivent dans un appartement et pas dans un bidonville.

Et finalement, oui, il existe encore en Inde de la misère et de flagrants fossés entre les très riches et les plus pauvres, mais tous ceux qui connaissent un peu les bidonvilles de Bombay, savent que la plupart de leurs habitants appartiennent à la toute ‘petite’ classe moyenne (par rapport aux revenus indiens), que chaque maison de ces bidonvilles a sa propre antenne de télévision et que la plupart de leurs habitants travaillent dans la ville.

Quand l’Occident jettera-t-il un autre regard sur l’Inde, plus juste, débarrassé des préjugés qui s’attachent toujours à ce pays qui devrait supplanter la Chine au cours de ce siècle ? Mais pour cela il va falloir qu’une nouvelle génération d’indianistes plus sincères, moins attachés à des valeurs périmées, se lève en France…

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