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Photo du rédacteurFrancois Gautier

Interview de BKS Iyengar à Pune

Par François Gautier

Le yoga, c’est un peu le cadeau de l’Inde au monde. Aujourd’hui tous les aérobics, toutes les gymnastiques, toutes les formes de culture physique, ont emprunté quelque chose à cette discipline, connue depuis des millénaires par les Indiens. C’est vrai qu’il existe chez nous certaines fausses idées sur le yoga. Premièrement, pour beaucoup de Français, le yoga, c’est uniquement le hâtha-yoga, c’est-à-dire les exercices physiques. Mais savez-vous qu’il y a plusieurs sortes de yogas ?

Le yoga de la connaissance, jnâna-yoga ; le yoga de l’adoration, bhaktiyoga; ou encore le yoga de l’action, le karma-yoga. Tous ceux d’entre nous qui ont une aspiration de perfection dans leur travail, feraient-ils donc du yoga sans le savoir ? Sûrement : « Toute la Vie est un Yoga », a écrit Sri Aurobindo, le grand philosophe et yogi indien. Ensuite, il arrive que l’on se méfie du mot ‘yoga’ : quelle sorte de discipline mystico-fumeuse ce nom cache-t-il, se demandent ceux qui ne l’ont jamais pratiqué ? Or le yoga, ou le pranayama, la science de la respiration, sont des sciences extrêmement cartésiennes, dont tous les mouvements ont été exactement observés, puis répertoriés depuis des siècles, comme nous l’explique dans cette interview, le ‘pape’ du yoga, B.K.S. Iyengar. FG

Le ‘ pape’ du yoga est un homme simple. Comme toutes les après-midi dans son petit ashram de Pune (Inde centrale), il est assis en compagnie de ses élèves dans la bibliothèque : accessible à tous et à toutes. A 92 ans, il peut rester encore 40 minutes sur la tête les pied en l’air, il n’a pas besoin de lunettes et demeure le maître incontesté (et incontestable) du Hâta Yoga.Q. On a quelquefois l’impression qu’en Occident le yoga est dissocié de l’Inde…R. Le yoga appartient incontestablement à l’Inde et ne peut en être séparé. C’est une voie qui se pratique ici depuis la nuit des temps. On dit même que le yoga fut transmis aux hommes par les « dieux » de cette époque reculée. Il est né en Inde, a été préservé en Inde et est parti de l’Inde, aussi bien vers l’Orient que l’Occident. Je suis moi-même très fier d’avoir planté la graine ‘yoga’ dans de nombreux pays d’Occident et de l’avoir fait en insistant sur les trois ingrédients indispensables à une vraie pratique du yoga : le Corps, l’Intellect et le Moi – unis dans un même effort

Q. Il y a énormément de sortes de yogas maintenant. C’est quoi le vrai Hâta-yoga ?R. Yoga, de la racine sanskrite Yug, veut dire lier, unir ou encore diriger et concentrer son attention. C’est donc d’amener l’élève à progressivement se détacher du corps le plus matériel pour d’abord trouver le corps périphérique, puis le corps subtil et arriver ainsi jusqu’à l’âme. Pour cela nous utilisons les asanas (postures yogiques), la méditation et le pranayama. La pratique des postures ou Asanas constitue la 3ème, des huit étapes de yoga. Les postures mettent fin à l’agitation corporelle et rassemblent les énergies éparses. Elles ont pour but de remédier aux faiblesses de l’organisme et d’améliorer la santé. Puis on utilise les rayons de sa conscience pour atteindre toutes les parties de son corps

Q. C’est difficile ?R. J’ai enseigné des millions d’étudiants. Je ne peux pas malheureusement dire qu’un seul d’entre eux ait réussi à atteindre mon niveau. La réalité c’est que sur un million d’êtres humains, un seul atteint la réalisation. C’est principalement le mental qui est l’obstacle. Une vie ne suffit pas pour atteindre cette réalisation. Personnellement il me semble avoir bénéficié de la pratique et de l’effort de plusieurs vies pour atteindre dans celle-ci le niveau où je suis. Il y a quatre niveaux d’effort : faible ; moyen, sincère et intense. Seulement ceux qui ont cette aspiration d’intensité arrivent au but. J’avais moi-même un mental très agité, mais je l’ai conquis à force d’efforts. Aujourd’hui je n’ai plus de mental, mon intellect est silencieux, c’est-à-dire qu’il est subordonné à mon âme.

Q. Quel a été votre meilleur élève alors ?R. Yehudi Menuhin, sans aucun doute. C’était un rishi, un yogi, un Indien dans son âme ; un homme d’un talent et d’une richesse spirituelle exceptionnelles, un grand philosophe. C’es lui qui m’a aidé à faire rayonner le yoga en Occident

Q. Le Yoga est-il devenu une mode ?R. Sans aucun doute, On peu dire cependant que cela a été un ‘bon’ Tsunami qui a pris le monde d’assaut. Vous savez, il y a deux mille ans tout le monde faisait du yoga en Inde ; puis il y eu les invasions musulmanes qui ont eu deux effets : d’abord les maîtres ont du fuir dans les villages les plus reculés de l’Inde emportant avec eux les livres sacrés pour qu’il ne soient pas brûlés ; ensuite ces invasions qui ont été extrêmement sanguinaires et destructives, ont apporté la pauvreté en Inde – et quand vous êtes pauvres, vous n’avez plus le temps de pratiquer le yoga… En fait le yoga s’est endormi en Inde… Jusqu’à il y a cinquante ans. Mais cette connaissance avait été préservée par quelques maîtres, Mon propre maître a été l’apprendre au Népal de son gourou.

Q. C’est quoi cette connaissance ?R. elle est indissociable de que nous appelons ici le Dharma, la Voie de la Perfection, dont l’hindouisme est une forme appauvrie. Le Dharma est toujours vivant en Inde, même si nous sommes aujourd’hui dans le Kali Yuga (l’Age de Fer). Et un des signes les plus sûrs du Kali Yuga, c’est qu’il n’y a plus de grands maîtres. Les gens aujourd’hui ont cependant soif de connaissance, ils sont perdus dans la société, leurs corps sont stressés par la vie moderne et le yoga peut leur apporter beaucoup. Je suis donc optimiste

Q. Quelle est la différence entre un disciple indien et un disciple occidental ?R. Les Indiens sont plus réceptifs à la spiritualité parce qu’elle est dans notre culture, presque dans nos gènes depuis des millénaires, le Yoga est un art indien, mais les Indiens l’ont négligé. Par contre les Occidentaux sont des étudiants plus sérieux, persévérants et ils maintiennent une pratique régulière – ce qui n’est pas toujours le cas des Indiens.

Q. Et les Français alors ?R. Ah, j’aime la France. C’est un pays qui a plus de culture que les autres. Les Français sont d’excellents étudiants, meilleurs que les Américains ou les Anglais et il y a des tas de centres en France qui enseignent ma technique.

Q. Etes vous un gourou ?R. Non, seulement un sadhak (un aspirant à la vie spirituelle) qui a atteint un certain niveau. Le Dharma et le Patanjali (écritures sacrées du yoga) sont mes gourous.

Q. Comment bien mourir ?R. Sans pensées, au moment où on l’a décidé ; seuls les grands yogis peuvent le faire. Pour moi Dieu choisira ce moment et je suis prêt à revenir dans ce monde pour aider les gens à se trouver et à avoir une vie meilleure.

Q. Quel est le futur de l’Inde ?R. Je crois que la destinée de l’nde est devenir le leader spirituel du mondeBio

BKS Iyengar est né à Belur, un village situé dans l’état de Karnataka en Inde, le dimanche 14 décembre 1918. Dès sa naissance et jusqu’à l’adolescence, il eut de graves problèmes de santé (malaria, typhoïde, peut-être la tuberculose) et se trouve souvent face à la mort. Les résultats scolaires et la vie familiale s’en ressentent, d’autant plus que son père meurt quand il a dix ans. En 1934, il rencontre son Guru, Sri T. Krishnamacharya, qui est également son beau-frère. Celui-ci le met à l’école secondaire de Mysore et lui enseigne ses premières postures de yoga afin d’améliorer son état de santé. C’est à partir de ce moment là qu’Iyengar l’appelle « Guruji » car il a semé la graine du yoga en lui.

Jusqu’en 1936, il suit ses cours et travaille son corps très raide. Un jour il donne son premier cours à un groupe de dames, qui ne souhaitent pas être formées par des hommes d’âge mûr. Malgré son peu d’expérience, il décide de poursuivre sur la voie de l’enseignement et compense ce manque d’expérience par beaucoup de travail personnel. En 1937, une école de Pune écrit à son Guru en le priant de lui envoyer un enseignant de yoga pour une durée de six mois. Iyengar est le seul de ses élèves prêt à accepter cette offre. Ainsi Pune devient sa patrie. On connaît la suite : il rencontre Yehudi Menuhin en 1956, qui devient son meilleur disciple ; celui-ci l’invite en Europe, où très vite, BKS Iyengar devient mondialement connu. Il y a trois ans, il fit sa dernière conférence/enseignement aux Etats-Unis devant des milliers d’adeptes en extase. Il vit aujourd’hui dans son ashram de Pune.

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