Saviez-vous que toute l’Inde aurait pu devenir française, si le bon roi Louis XV n’avait pas lâché le génial Dupleix ? Tout commença en 1673, lorsque la France acheta pour une bouchée de pain, « Pulitchery », (plus tard francisé en Pondichéry), un petit village endormi de pêcheurs, au bord de la côte Coromandel. Lorsque Dupleix est nommé Gouverneur Général des Indes Françaises en 1759, il s’empresse de développer et de fortifier Pondichéry, qui devient une métropole de 40.000 habitants (alors que Calcutta, capitale de l’empire britannique des Indes, n’en comptait que 22.000 à la même époque), il forge des alliances avec les nababs du coin, s’empare de Madras, et bat les perfides Anglais un peu partout dans le Sud. Bombay, porte de l’Hindoustan, n’est plus très loin et l’empire des Indes est un fruit mûr, prêt à être cueilli par la France…Hélas, Louis XV rappelle Dupleix à Paris, où celui-ci meurt quelques années plus tard, dans la misère et la disgrâce. C’en est terminé pour toujours du rêve d’une Inde totalement française…
Mais il nous restera, comme nous l’ânonnions jadis à l’école, Pondichéry, Chandernagor, Mahé et Karikal… Ah, Pondichéry ! C’est là, à l’abri des bruits et des fureurs qui bouleversèrent les deux cents ans tumultueux de la domination anglaise, que nos ancêtres, de par le verbe, la truelle et le bon sens cartésien, implantèrent un peu de la France, dans cette contrée perdue au fin fond des Indes. Et en 1956, tranquillement, dix ans après que les Britanniques aient douloureusement accepté de se retirer, nous rendions Pondichéry à l’Inde, cela, grâce au génie diplomatique de François Baron, poète, surréaliste, disciple du grand philosophe indien, Sri Aurobindo et dernier Gouverneur des Indes françaises. Du coup, le Premier Ministre indien, Jawarlhal Nehru, accorde à la France des droits considérables (qu’il refuse aux Anglais), qui lui permettent de garder une présence culturelle importante à Pondichéry : lycée français, alliance française, consulat, institut français et la célèbre Ecole Française d’Extrême Orient; et 16.000 Tamouls, qui sont autorisés à garder leur passeport français, tout en restant au sein de l’Union indienne…
Et aujourd’hui il subsiste Pondichéry la nostalgie, Pondichéry et ses veilles maisons françaises, son merveilleux mobilier franco-indien, ses rues à nom bien français, ses policiers au képi français (des années 50), ses anciennes familles créoles. Mais aussi le Pondichéry culturel et son importante présence française: lycée, alliance, consulat, clinique – et surtout l’Institut français, ainsi que l’Ecole française d’Extrême Orient, qui font un merveilleux travail de recherche (traductions de vieux parchemins tamouls, topographie, écologie etc.). Finalement, il faut parler de Pondichéry en tant que destination touristique: ses belles plages, que nul Club Méditerranée n’a encore colonisées; la rénovation de l’ancienne maison de Rangapillai, le courtier de Dupleix, le très bel hôtel de l’Orient de Francis Wacziag, où chaque chambre a été faite dans l’ancien style franco-pondichérien du XVIIIème siècle; ainsi que le Kailash Be ach resort, un complexe hôtelier sur la plage. Pondichery, c’est aussi ces Tamouls français qui s’engagent dans dès la majorité, prennent leur retraite avant la quarantaine et jouent le restant de leur vie aux boules sur la place de l’église de Pondichery, tout en sirotant le pastis entre deux parties. C’est aussi ce Français roulant et chantant que l’on peut entendre résonner dans les grandes salles du vénérable lycée français.C’est l’Ashram de Sri Aurobindo et la cité d’Auroville, créés par une Française, la Mère, où plus de 800 Français s’adonnent à la tentative de l’unité humaine, tâche ardue s’il en est une.C’est enfin un shopping aux mille facettes: vieux coffres de bois en camphre retapés par d’habiles menuisiers; artisanats fait main,où se retrouve la qualité de la main française: bougies, encens, papier bambou, prêt a porter; ou un merveilleux bazar où vous trouverez aussi bien du coton de Madras, de la soie de Kancheepuram, que des guirlandes de fleurs dans une envoûtante atmosphère. Alors, si vous passez par le sud de l’Inde, n’hésitez pas: allez à Pondichery, vous y rencontrerez un des plus fidèles reflets de la francophonie dans le monde.
TEXTE ET PHOTOS:FRANCOIS GAUTIER
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
La meilleure période pour se rendre à Pondichery est l’hiver de fin novembre à fin mars (température de 23 à 3O°). Mais ceux qui ne craignent pas les chaleurs moyennes (37° au mois de mai), peuvent y venir n’importe quand. Vols quotidiens de Lufthansa, British Airways, Koweit Airways et Gulf Airlines sur Madras (Chennai). Arrivés là-bas, vous pouvez soit louer un taxi pour Pondichery, (environ 100 Euros), soit prendre le bus (2 Euros aller simple).
Hôtels: Hôtel de L’Orient, Rue Suffren, Pondichery : un petit bijou, chaque chambre a été personnalisée à l’ancienne mode coloniale par Francis Wacziag, un Français qui vit en Inde depuis 30 ans (de 50 à 150 Euros la nuit) L’Ashoka, en bord de mer à 7 kms de Pondichery. Chambres climatisées, télévision, bar. Environ 80 Euros la nuit;. Hotel Ananda Inn, en pleine ville, confortable et climatisé: West Boulevard. 50 Euros la nuit.
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