LE GOUVERNEMENT INDIEN EN SURSIS
Accablé de nombreux scandales de corruption, le gouvernement de coalition du Congrès pourrait se retrouver en minorité dès la fin de l’année
Un par un, les alliés désertent le gouvernement de coalition de Manmaohan Singh, premier ministre indien. Ce fut d’abord Mamta Banerjee, présidente du Trinamool Congress et premier ministre du gouvernement du Bengale, qui retira le mois dernier son soutien au Congrès, ce qui pourrait mettre le gouvernement en minorité et précipiter les élections législatives qui sont prévues pour mai 2014. Mulayam Singh, dont la famille dirige l’Uttar Pradesh, l’état e plus peuplé de l’Inde, qui lui-même a ambition de devenir premier ministre de l’Inde, a demandé à ses cadres de se préparer à des élections législatives anticipées
La goutte qui a fait déborder le vase, c’est l’augmentation récente du prix du gazole de 5 roupies. Cela peut paraître peu, mais comme pratiquement toutes les denrées en Inde, sont transportées par camion, le prix de la nourriture augmente en conséquence. Un kilo de tomates coûte aujourd’hui environ 80 roupies, plus d’un Euro, une fortune pour le coolie qui ne gagne quelquefois que deux Euros, ou 150 Rs par jour,. Mamta Banerjee, qu’on a appelé la passionaria du Bengale, ne décolère pas, car tout a augmenté en Inde ces derniers mois, des tomates aux transports. Son état du Bengale est d’ailleurs au bord de la banqueroute.
Tous les yeux sont tournés vers le Gujarat, Le seul état qui semble échapper à la crise, dirigé par Narendra Modi, récemment en couverture du Time magazinequi en quelques années a fait de son état du centre de l’Inde, le plus moderne, le plus industrialisé, et l’a débarrassé de la corruption et de la bureaucratie qui sont la plaie des investisseurs étrangers.
Ce même Time magazine, fustigeait un peu plus tard Manmohan Singh, le traitant de « sous-performant » et posait cette question : « l’Inde a besoin s’un sérieux coup de pouce. Manmohan Singh est-il l’homme adéquat » ? Le magazine faisait allusion aux multiples scandales de corruption dont est accusé le vénérable pari du Congrès (afin de remplir les coffres avant les élections), ainsi que la paralysie presque totale de son gouvernement, qui a enrayé l’impressionnante croissance de l’Inde. Les Américains s’irritent d’ailleurs du manque de libéralisation économique, « dû à la politique socialisante du parti du Congrès ».
En cas d’urnes anticipées. Il y aurait deux candidats au poste de premier ministre en Inde: d’un côté Narendra Modi, 61 ans, du Bharata Janata Pary, le parti de la droite hindoue, qui semble être le choix préféré des Américains ; et de l’autre, le dauphin de la dynastie du parti du Congrès, Rahul Gandhi, 42 ans.
Depuis l’indépendance de l’Inde en 1947, les Gandhi – rien à voir avec le Mahatma Gandhi – ont régné, pratiquement sans conteste, à la fois sur le parti du Congrès et sur le sous-continent indien. Il y eut d’abord Jawaharlal Nehru, ensuite sa fille Indira, puis son petit-fils Rajiv Gandhi, et enfin la veuve de Rajiv, Sonia, une Italienne, qu’il rencontra lorsqu’elle était fille au pair à Cambridge. Sonia devint présidente du Congrès en 1998, et gouverne depuis l’Inde d’une main de fer, bien qu’elle ne soit que simple députée au parlement fédéral. Mais elle aurait un cancer du col de l’utérus, qu’elle se fait soigner au très célèbre Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New York, et depuis, elle prépare sa succession.
Rahul Gandhi, ministre ?
Afin qu’il puisse assister au conseil des ministres et ainsi se familiariser au gouvernement de haut niveau, son fils Rahul, secrétaire général du Parti du Congrès depuis mars 2008, pourrait prochainement hériter d’un plus haut poste, ou bien d’un ministère sans risques. Ce pourrait être celui des Affaires Rurales, qui lui permettrait d’accorder des subventions aux paysans – ce qui est toujours bon avant des élections. On a également évoqué le poste de leader de l’opposition au Sénat.
Mme Gandhi parie sur l’innocence des masses rurales, constituant encore 80% de l’électorat, qui pensent toujours que Rahul Gandhi est apparenté au Mahatama Gandhi, sur les voix des musulmans, et sur le fait que l’Inde est toujours revenue à la dynastie Gandhi.
Pourtant, des télégrammes diplomatiques américains révélés par WikiLeaks qualifiaient en 2004 Rahul Gandhi d' »homme sans consistance ». Pour se faire un prénom, il « devra se salir les mains dans la politique indienne, tumultueuse et sans pitié », ajoutaient-ils. L’héritier de la dynastie Nehru-Gandhi s’est donc « sali les mains » en dirigeant en en février dernier la campagne de son parti aux régionales de l’Uttar Pradesh, immense état du nord de 200 millions d’habitants. Malheureusement, le Congrès arriva bon dernier !
Cependant la désunion de ses adversaires pourrait jouer en sa faveur : Narendra Modi n’a pas encore été nommé officiellement par son parti le BJP, et il est accusé de complicité dans les pogroms antimusulmans de 2002 qui ont suivi l’attaque par une meute de musulmans à Godhra au Gujarat, d’un train qui transportait des pèlerins hindous. 56 hindous, dont 36 femmes et enfants y moururent brulés vifs. M. Modi a toujours nié avoir attendu 24 heures avant d’avoir appelé les forces paramilitaires pour ramener le calme.
Que le gouvernement tombe immédiatement, ou un peu plus tard, l’Inde, qui pourtant connaissait une croissance de près de 10% depuis plusieurs années, vit une période d’instabilité, qui influe sur la bonne santé de l’économie. Tout le monde ici, du plus pauvre aux grand magnats, souhaite donc un changement de gouvernement, afin de donner ce coup de pouce dont l’Inde a tant besoin pour pouvoir sérieusement concurrencer la Chine.
De New Delhi, FRANÇOIS GAUTIER
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