C’est à Bangalore, dans le sud de l’Inde, que vient de se dérouler un symposium de pranayama, auquel ont participé 200 délégués venus du monde entier. Le pranayama, du Sanskrit prana = souffle, c’est la science de la respiration que les Indiens ont perfectionnée depuis quatre mille ans. Ils affirment par exemple que le prana circule dans tout le corps et que l’on peut respirer non seulement par le nez, par la bouche et même par le ventre, mais aussi à travers n’importe quelle partie de notre corps, faisant ainsi circuler le prana, l’énergie vitale, dans tout l’être physique. Ainsi, toujours d’après les Indiens, le prana pourrait revitaliser toute ces parties de notre corps qui ne reçoivent pas assez d’énergie et qui en conséquence s’affaiblissent et perdent de leur vigueur, tels les yeux par exemple. » Le prana est partout, explique Sri Ravi Shankar, un yogi de pranayama: dans l’air qui nous entoure, bien sûr, mais aussi dans les animaux, le végétal, le minéral même. On le trouve également dans notre nourriture. Aujourd’hui on parle de vitamines, de protéines, de calories; mais en réalité, c’est le prana dans la nourriture qui nous donne notre énergie; et la qualité de ce prana dépend du genre de nourriture que nous consommons « .
Les bouddhistes ont fait de l’observation de la respiration la technique centrale de leur méditation. Les premiers exercices de pranayama consistent à donc observer votre respiration, à sentir par exemple comme elle est fraîche lorsqu’elle pénètre les narines, puis chaude lorsqu’elle en ressort. » Eprouvez son volume, enjoint Ravi Shankar; remarquez comme vous respirez tantôt par une narine, tantôt par l’autre; observez comment la respiration fait demi tour entre les deux sourcils, ce que nous appelons le troisième oeil, avant de redescendre vers la gorge. Constatez que chaque émotion a ses rythmes respiratoires. Vous avez sûrement remarqué par exemple que la respiration devient saccadée lorsque l’on est en colère, alors qu’au contraire, elle s’atténue lors d’un sentiment de tristesse. Remarquez aussi comment à chaque rythme respiratoire correspond une sensation sur le corps. Le siège de la colère est dans le ventre par exemple, alors que celui de la peur est dans le coeur « . Et il conclue: » En contrôlant votre respiration, vous allez pourvoir commencer à maîtriser vos émotions « . Alors, vous gardez les yeux fermés et tout d’un coup, vous devenez vraiment la respiration: » Soyez avec votre respiration à chaque moment, conseille Sri Ravi Shankar, remarquez comment le mental part toujours à la dérive: soit en arrière, revivant, regrettant, refaçonnant le passé; soit en avant, anticipant le futur, que ce soit avec anxiété ou avec excitation. Et nous ne sommes jamais dans le moment présent, c’est à dire dans la respiration. Mais si vous êtes dans le moment présent, conscient de votre respiration, vous réaliserez vite que le mental et le physique sont un: Energie = Matière. Et si vous-vous concentrez sur la respiration de plus en plus, vous remarquerez que vous êtes doté d’une énergie inépuisable et que vous avez acquis un remarquable pouvoir de concentration. Sri Ravi Shankar ajoute » que si vous êtes capables de remonter le cours de la respiration, vous-vous rendrez compte qu’elle est source de paix et de sérénité. C’est d’elle que les poètes, les musiciens, les peintres, les philosophes tirent leur ‘ inspiration’, comme ils le disent si bien, sans vraiment comprendre le sens profond et caché de ce mot « . La pratique du pranayama se veut très cartésienne. L’Institut National de Neurosciences de Bangalore, l’un des plus réputés en Asie, dirigé par les Professeurs Meti et Raju, assistés du Chef de Service psychiatrique, le Dr Venkatesha Murthy, a étudié pour la première fois au monde, les effets du pranayama sur 80 patients souffrant de problèmes psychiques: dépressions, anorexie, insomnies, obésité, alcoolisme… Pour ce faire, la moitié des malades ont continué de recevoir le traitement normal, électrochocs, sédation, suivi psychiatrique, alors que l’autre moitié a été uniquement soumise pendant trois mois, à deux heures quotidiennes de pranayama. C’est la méthode P300 (Positive Electrical Wave), qui a été utilisée pour mesurer les réactions du cerveau, grâce à des électrodes, qui furent placés à différents endroits, dont sur le vertex du crâne et sur le lobe gauche de l’oreille. Trente millisecondes, après les stimulations, on étudia en nano-volts, les réponses auditives et somato-sensorielles. Les latences (c’est à dire le délai entre le stimulus et la réponse du sujet), auditives moyenne et somato-sensorielles, décroissent considérablement après les exercices de pranayama, et on note également un ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque. En gros, cela veut dire que les 40 premiers patients soumis au pranayama, montrèrent après trois mois une telle amélioration de leurs symptômes qu’on permit à un tiers de retourner chez eux, » alors que, souligne le Professeur Metti, les 40 autres sont toujours avec nous « . L’année prochaine, le Professeur Mette et son équipe voudraient soumettre les résultats définitifs de leur expérience auprès d’un grand Congrès International de médecine et de psychiatrie.
Les Indiens prétendent que grâce au pranayama, leurs yogis sont non seulement capables de maîtriser leurs émotions par le contrôle de la respiration, mais aussi de commander leur corps à volonté. C’est ainsi que l’on peut voir dans les Himalaya en hiver de nombreux sadhous qui se baignent dans les torrents glacés et que certains yogis affirment être capables de ralentir leur respiration jusqu’à un fils si ténu, » que l’on peut croire qu’ils sont morts « . Le film » Le Grand Bleu « , a vulgarisé l’utilisation du pranayama pour les sportifs. rappelez-vous comment le héros fait toute une série d’exercices respiratoires connus en Inde sous le nom de » Viloma « , afin d’emmagasiner plus d’air dans ses poumons, avant de briser un record mondial d’apnée. Mais aujourd’hui de nombreux sportifs dans le monde, en particulier aux Etats-Unis, utilisent le pranayama pour améliorer leurs performances. » Non seulement vous augmentez considérablement votre capacité pulmonaire, commente M Shankar, mais vous pouvez libérer le mental de tout trac et trouver une sérénité propre aux exploits « . Les Américains ont également inclus des exercices de pranayama lors de retraites de cadres et les autorités indiennes l’utilisent même dans les prisons.
CRITIQUE DU PRANAYAMA PAR LE PROFESSEUR BERNARD LEBEAU, CHEF DU SERVICE DE PNEUMOLOGIE DE (ET PATRON) DE L’HOPITAL ST.ANTOINE DE PARIS
La respiration est bien énergie vitale, puisqu’on perd la vie à son dernier soupir. Cependant, il y a trop souvent confusion entre respiration et ventilation, car celle-ci n’est que le fait d’un certain nombre d’espèces animales. Chez l’humain, la ventilation constitue le premier temps de la respiration et est suivie du transfert des gaz ventilés du milieu aérien au milieu sanguin, du transport de ces gaz par l’appareil circulatoire, puis de leur transfert du sang aux tissus, à l’intérieur de la cellule. La respiration fait donc intervenir le nez, la bouche, le ventre (par les muscles respiratoires) et la circulation. Il est donc vrai qu’elle est sous la direction du système nerveux et qu’elle peut être commandée. Dans les espèces animales inférieures et dans le monde végétal, la respiration existe mais sans appareil ventilatoire, souvent par simple diffusion, directement à partir du milieu ambiant, ou à l’aide d’un système circulatoire. Par contre, la respiration caractéristique de la vie n’existe pas dans le monde minéral inerte. L’apport d’oxygène est donc nécessaire à la vie et cette connaissance intuitive des anciens est merveilleuse, car cette notion n’est pas concrète. Que la nourriture soit aussi source d’énergie vitale, relève par contre d’une banale évidence. Les exercices de pranayama me paraissent assez proches de la kinésithérapie respiratoire. Comme Monsieur Jourdain et sa prose, les asthmatiques et les insuffisants respiratoires font du » pranayama » sans leur savoir au cours de leurs séances de rééducation. Et que revive le Grand Mamamouchi ! Le pranayama se veut cartésien, mais la méthodologie de l’essai présenté par nos collègues indous, nécessiterait une analyse rigoureuse avant de valider ses résultats. Répandre une fausse-vérité médicale peut aboutir à des catastrophes individuelles. On ne guérit pas un cancer au moyen de médecines parallèles. L’esprit contrôle le corps, mais il n’a pas tous les pouvoirs. L’étude physiologique de la plongé en apnée démontre que les exercices de » Viloma » n’augmentent pas la quantité d’air contenue dans le poumons; par contre, l’hyperventilation respiratoire préparatoire à la plongée induit une alcalose qui retardera autant que faire se peut la souffrance acidosique des tissus. En conclusion, gardons le sens critique. Ici comme ailleurs, il y a vérité, l’interprétation de la vérité, puis l’utilisation de cette interprétation. PR Lebeau
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