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Photo du rédacteurFrancois Gautier

LE PRANAYAMA

Avec ses long cheveux noirs, sa grande barbe et ses amples vêtements blancs, on dirait un gourou d’opérette. Pourtant, Sri Sri Ravi Shankar, 39 ans, est un grand cartésien. Il a fondé un système, qu’il a appelé « L’art de Vivre », qui utilise des techniques très simples de respiration pratiquées dans l’Inde ancienne, connues sous le nom de pranayama. Ah, savez-vous donc ce qu’est le pranayama ? « Pour nous les Indiens, répond Sri Ravi Shankar, l’équation est simple: Prana = respiration = énergie. Nous savons par exemple depuis des millénaires que le prana circule dans tout le corps et que l’on peut respirer non seulement par le nez, par la bouche et même par le ventre, mais aussi à travers n’importe quelle partie de notre corps, faisant ainsi circuler le prana, l’énergie vitale, dans tout l’être physique ». Ainsi, toujours d’après les Indiens, le prana pourrait revitaliser toute ces parties de notre corps qui ne reçoivent pas assez d’énergie et qui en conséquence s’affaiblissent et perdent de leur vigueur, tels les yeux par exemple. « Le prana est partout, explique Sri Ravi Shankar: dans l’air qui nous entoure, bien sûr, mais aussi dans les animaux, le végétal, le minéral même. On le trouve également dans notre nourriture. Aujourd’hui on parle de vitamines, de protéines, de calories; mais en réalité, c’est le prana dans la nourriture qui nous donne notre énergie; et la qualité de ce prana dépend du genre de nourriture que nous consommons ».

Nous sommes à Bangalore, dans le sud de l’Inde, au Centre International Vyakti Vikas Kendra fondé par Sri Sri Ravi Shankar. Plus de 200 participants venus du monde entier y sont réunis pour un symposium de pranayama. L’ashram, car tel est le nom que l’on donne à ces centres spirituels réunis en Inde autour d’un maître, s’étend sur trois hectares de collines rocheuses et paisibles. Au centre, un incroyable Colisée « à l’hindou »dresse son immense silhouette ronde, que l’on peut apercevoir à des kilomètres de distance. A l’intérieur, on y médite, on fait ses exercices de pranayama, ou tout simplement on contemple le paysage, tout cela dans un foisonnement de symboles kitsch: dieux, déesses, démons, allégories ésotériques: flammes, roues bouddhistes de la vie, lotus, (symboles de l’illumination spirituelle en Inde)… Et le soir au coucher de soleil, alors que toute la campagne environnante respire la tranquillité d’une fin de journée indienne: paysans qui rentrent de leurs champs avec leurs boeufs, femmes aux saris chatoyants accompagnant des enfants, derniers cris d’oiseaux avant la nuit, on s’identifie un instant avec l’Inde profonde. « Fermez les yeux, entonne doucement Sri Ravi Shankar, mettez un sourire sur vos lèvres; tant pis s’il est artificiel, vous verrez comme cela relâche les muscles du visage ! Maintenant, observez votre respiration, sentez comment elle est fraîche lorsqu’elle pénètre les narines, puis chaude lorsqu’elle en ressort. Eprouvez son volume; remarquez comme vous respirez tantôt par une narine, tantôt par l’autre; observez comment la respiration fait demi tour entre les deux sourcils, ce que nous Indiens appelons le troisième oeil, avant de redescendre vers la gorge. Constatez que chaque émotion a ses rythmes respiratoires. Vous avez sûrement remarqué par exemple que la respiration devient saccadée lorsque l’on est en colère, alors qu’au contraire, elle s’atténue lors d’une grande tristesse, telle la mort d’un proche. Remarquez aussi, continue-t-il, comment à chaque rythme respiratoire correspond une sensation sur le corps. Le siège de la colère est dans le ventre par exemple, alors que celui de la peur est dans le coeur. En contrôlant votre respiration, vous allez pourvoir maîtriser vos émotions ».

En quoi consiste donc la technique de l’Art de Vivre ? « En une série d’exercices très faciles, explique Krishnakant Patel, un jeune Indien qui enseigne le pranayama à Paris. Vous devez d’abord vous asseoir en position de lotus (pas facile pour nous), ou alors si vous ne le pouvez pas, utilisez une chaise, mais prenez bien garde de garder le dos

droit » ! Pendant tous ces exercices vous allez utiliser une technique respiratoire que les Indiens appellent ujain, et qui consiste à respirer par le nez, mais en pinçant l’air dans la gorge, un peu comme un ronflement silencieux. « Grâce à cette technique, on obtient une plus longue respiration, plus concentrée, plus puissante », explique Krishnakant. Premier exercice: mains sur les hanches, paumes parallèles au sol. Vous inspirez d’abord lentement, en comptant silencieusement jusqu’à six; puis retenez votre souffle pendant trois temps; enfin vous expirez, en comptant encore une fois six. Répétez sept fois. Deuxième exercice: même chose, mais pouce sous les aisselles et mains toujours parallèles au sol, doigts bien ensemble; sept fois également. Troisième exercice: mains sur les omoplates, coudes touchant le oreilles, inspirez jusqu’à six, retenez trois et expirez six. A répéter, toujours sept fois. « Ces exercices vont vous obliger à respirer dans toutes les parties du tronc, commente Kirshnakant: à partir du ventre, d’abord, lorsque vous avez les mains sur les hanches; de la poitrine, lorsque vous portez les pouces sous les aisselles; enfin, les mains sur les omoplates vous aident à respirer du haut de la poitrine, que peu de personnes utilisent, hormis les hauts sportifs, surtout qui font de la course de fond ». Car nous ne savons pas respirer, alors que la première chose que nous faisons en venant au monde c’est de pousser un cri de respiration et que la dernière c’est d’émettre un ultime soupir. Et dans l’intervalle de ces deux gestes, nous respirerons des milliards de fois, sans que nous n’en soyons jamais conscients. « Toute notre vie, nous oublions de respirer, s’exclame Sri sri Ravi Shankar ! N’avez-vous jamais remarqué que souvent, par exemple sous le coup d’une émotion, d’un choc psychologique, ou tout simplement par stress, le ventre est noué et que nous respirons à peine » ?…

Deuxième série d’exercices, que l’on appelle « bastrika » et qui sont tout spécialement destinés à développer la capacité pulmonaire, surtout pour nous qui vivons dans les grandes villes et respirons à peine. Vous positionnez d’abord vos mains, poings fermés le long des épaules, coudes touchant la cage thoracique. Puis vous levez rapidement les bras vers le ciel en ouvrant les mains, tout en respirant très fort; et immédiatement, vous redescendez, en éjectant vigoureusement la respiration, alors que le mouvement des bras qui reviennent vers les épaules, compressent la cage thoracique. Répétez trois séries de quinze fois chacune Vous éprouverez alors un sentiment de bien-être, car sous l’effet d’une respiration puissante, le mental s’est calmé (les joggers connaissent le même phénomène après quelques kilomètres). C’est le moment de pratiquer ce qui constitue le coeur de la technique de Sri ravi Shankar: le Sudarshan Krya. « Le Krya explique Panditji, (qui est un titre honorifique que l’on donne aux lettrés en Inde), est un système de purification, une sorte de thérapie accélérée qui va vous aidé à relâcher vos tensions, vos peurs, vos colères rentrées et vous laissera serein et apaisé ». Ce sudarshan krya consiste en trois rythmes de respirations: un rythme lent que l’on répète 20 fois; un rythme plus rapide, 40 fois; puis un rythme très rapide, 40 fois également. Vous recommencez trois fois. Au bout de ces trois fois, vous êtes complètement « stoned », comme disent les Américains, vous-vous sentez comme sur un nuage, tranquille, euphorique presque. La seule différence, c’est que vous n’avez pris aucun excitant artificiel ! Alors, vous gardez les yeux fermés et tout d’un coup, vous devenez vraiment la respiration: « Soyez avec votre respiration à chaque moment, réverbère la voix de Sri Ravi Shankar dan le grand hall, notez comment le mental part toujours à la dérive: soit en arrière, revivant, regrettant, refaçonnant le passé; soit en avant, anticipant le futur, que ce soit avec anxiété ou avec excitation. Et nous ne sommes jamais dans le moment présent, c’est à dire dans la respiration. Mais si vous êtes dans le moment présent, conscient de votre respiration, vous remarquerez vite que le mental et le physique sont un: Energie = Matière. Et si vous-vous concentrez sur la respiration de plus en plus, si vous êtes capables de remonter son cours, vous-vous rendrez compte que non seulement elle est source de sérénité, mais qu’en elle-même elle contient l’Essentiel, l’Immanent, le Non-Manifesté. C’est d’elle que les poètes, les musiciens, les peintres, les philosophes tirent leur ‘ inspiration’, comme ils le disent si bien, sans vraiment comprendre le sens profond et caché de ce mot ».

Holà, pas si vite ! l’Occidental, le cartésien en nous se révolte à l’écoute de ces mots: Immanent, Non-Manifesté, inspiration… Et pourtant, comme nous le disions plus haut, cette pratique du pranayama se veut très cartésienne, car justement, elle a été analysée scientifiquement. L’Institut National de Neurosciences de Bangalore, l’un des plus réputés en Asie, dirigé par les Professeurs Meti et Raju, assistés du Chef de Service psychiatrique, le Dr Venkatesha Murthy, a étudié pour la première fois au monde, les effets du pranayama sur 80 patients souffrant de graves problèmes psychiatriques: dépressions, anorexie, insomnies, obésité, alcoolisme… Pour ce faire, la moitié des malades ont continué de recevoir le traitement normal, électrochocs, sédation, suivi psychiatrique, alors que l’autre moitié a été uniquement soumise pendant trois mois, sous la direction d’un assistant de Sri sri Ravi Shankar, à deux heures quotidiennes de pranayama. C’est la méthode P300 (Positive Electrical Wave), qui a été utilisée pour mesurer les réactions du cerveau, grâce à des électrodes, qui furent placés à différents endroits, dont sur le vertex du crâne et sur le lobe gauche de l’oreille. Trente millisecondes, après les stimulations, on étudia en nano-volts, les réponses auditives et somato-sensorielles. Les latences (c’est à dire le délai entre le stimulus et la réponse du sujet), auditives moyenne et somato-sensorielles, décroissent considérablement après les exercices de pranayama, et on note également un ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque. En gros, cela veut dire que les 40 premiers patients soumis au pranayama, montrèrent après trois mois une telle amélioration de leurs symptômes qu’on permit à un tiers de retourner chez eux, « alors que, souligne le Professeur Metti, les 40 autres sont toujours avec nous ». L’année prochaine, le Professeur Mette et son équipe voudraient soumettre les résultats définitifs de leur expérience (qui ont été filmées en vidéo) auprès d’un grand Congrès International de médecine et de psychiatrie.

« Mais tout cela n’est pas nouveau pour la science médicale indienne, argue Sri sri Ravi Shankar. Le Susutra, un traité de médecine qui date de 3000 ans, parle déjà de l’origine psychosomatique de certaines maladies et les anciens savaient qu’un équilibre mental est essentiel à un corps en bonne santé ». D’ailleurs, affirme toujours Sri sri Ravi Shankar, le Sudarshan krya peut soulager certaines maladies. Nous savons aujourd’hui que les problèmes cardiaques sont souvent le fruit d’une tendance coléreuse ou d’une vie mouvementée. De même, le cancer est-il le résultat d’un tas de stress émotifs, ou d’un mauvais équilibre nutritionnel. « Le pranayama peut vous aider à apporter de l’énergie dans la région du coeur et à régénérer le rythme cardiaque. Il peut également prévenir les tumeurs cancéreuses et même être utilisé comme appoint lors des chimiothérapies », avance Krishnakant Patel. Marielle Bourgeois, une Canadienne diplômée de l’Université de Santa Barbara, a étudié les effets du pranayama sur une centaine de patients souffrant de troubles physiques et psychologiques. 96% d’entre eux notaient une amélioration de leur condition, à la suite d’une session de dix jours, ressentaient une énergie accrue, une relaxation physique et une plus grande sérénité mentale.

Les Indiens prétendent d’ailleurs que leurs yogis sont non seulement capables de maîtriser leurs émotions par le contrôle de la respiration, mais aussi de commander leur corps à volonté. C’est ainsi que l’on peut voir dans les Himalaya en hiver de nombreux sadhous qui se baignent dans les torrents glacés et que le pays abonde d’histoires de yogis qui se font enterrer vivants pendant plusieurs jours. « Les yogis sont capables de ralentir leur respiration jusqu’à un fils si ténu, que l’on peut croire qu’ils sont morts, prétend Krishnakant Patel. D’ailleurs conclue-t-il, si vous pratiquer vous-même le pranayama, vous vous rendrez compte qu’au bout d’un certain temps, votre respiration ralentit considérablement ». Le film « Le Grand Bleu », a vulgarisé l’utilisation du pranayama pour les sportifs. rappelez-vous comment le héros fait toute une série d’exercices respiratoires connus en Inde sous le nom de « Viloma », afin d’emmagasiner plus d’air dans ses poumons, avant de briser un record mondial d’apnée. Mais aujourd’hui de nombreux sportifs dans le monde, en particulier aux Etats-Unis, utilisent le pranayama pour améliorer leurs performances. « Non seulement vous augmentez considérablement votre capacité pulmonaire, commente Krishnakant, mais vous pouvez libérer le mental de tout trac et trouver une sérénité propre aux exploits ». Les Américains ont également inclus des exercices de pranayama lors de retraites de cadres et les autorités indiennes l’utilisent même dans les prisons.

En conclusion, Sri sri Ravi Shankar estime « que le pays qui saura inclure le pranayama dans tous les domaines de sa vie: sportive, culturelle, économique, spirituelle et qui enseignera aux enfants dès le plus jeune âge, le contrôle de la respiration, engendra des êtres humains d’une qualité exceptionnelles, des yogis ».

François Gautier/Bangalore

Encadré: Pas sérieux s’abstenir ! Pas sérieux s’abstenir ! Ici nous sommes en Inde et l’Inde avec ses mille et un dieux, ses gourous, ses ashrams, est souvent déroutante pour un Occidental. Mais attention il n’y a pas ou peu de sectes: « L’ Occident a raison de se méfier des sectes, estime Krishnakant Patel. Toutes sortes de charlatans, de demi-yogis ont perverti l’ancienne tradition indienne. Mais en Inde continue-t-il, les Indiens considèrent naturels ce qu’ils pratiquent depuis de milliers d’années, car ils le vivent. Faire le matin ses exercices de pranayama, et de Hata-yoga; méditer, chanter des bhajans (hymnes religieux,) c’est pour eux quelque chose de tout naturel, qu’ils n’objectivent même pas. Il n’y a là aucune religiosité, ni sectarisme, car pour eux le matériel et le spirituel font un. Les dieux sont toujours à fleur de peau en Inde ». Nous vous conseillons donc de mettre votre mental au vestiaire si jamais vous décidez de vous rendre au centre de pranayama de Bangalore, car de nombreuses choses risquent de vous choquer à première vue, puis de juger après, en fonction des résultats que vous avez obtenus. Si vous voulez-donc faire l’expérience vraie du pranayama, il vaut mieux se rendre en Inde ou fréquenter des centres réputés tels ceux mentionnés ci-dessous:

En France, vous trouverez un centre Vyakti Vikas Kendra auprès de Philippe Gaudrat, Château des Sources, Cenon S/Vienne, 86530. Tel: 49028543.A Paris, Krishanakant Patel, 10, rue Agar, 75016 Paris, tel 46476583, enseigne le pranayama, le hata-yoga et pratique le massage indien.En Suisse, contacter Urmila Agarwal, Fuchshagweg 1, 4103 Bottmingen. Tel: 61- 4212348.En Inde: Vyakti Vikas Kendra. 19, 39th A Cross, 11th Main, 4th ‘T’ Block. Jayanagar, Bangalore 560 041. Tel 91- 80- 6645106. Fax: 6635175. Cours de 3 jours pour débutants et de 5 jours pour les autres. A lire absolument la Lumière sur le Yoga de B.K. Iyengar aux Editions Bucher et Chastel. Encadré« L’ Occident a raison de se méfier des sectes, estime Rajshree Patel. Toutes sortes de charlatans, de soit-disant yogis, ont perverti l’ancienne tradition indienne. Mais en Inde continue-t-elle, les Indiens considèrent naturels ce qu’ils pratiquent depuis de milliers d’années, car ils le vivent. Faire le matin ses exercices de pranayama, et de Hata-yoga; méditer, chanter des bhajans (hymnes religieux), c’est pour eux quelque chose de tout à fait normal, qu’ils n’objectivent même pas. Il n’y a là aucune religiosité, ni sectarisme, car pour eux le matériel et le spirituel sont un. Si vous voulez donc faire l’expérience vraie du pranayama, conclue-t-elle, il vaut mieux se rendre en Inde, ou fréquentez des centres réputés, tels ceux mentionnés ci-dessous:En France, vous trouverez un centre Vyakti Vikas Kendra, appelé « L’Art de Vivre », auprès de Philippe Gaudrat, Château des Sources, Cenon S/Vienne, 86530. Tel: 49028543.A Paris, Krishanakant Patel, 10, rue Agar, 75016 Paris, tel: 46476583, enseigne le pranayama tel qu’il est pratiqué au centre de Bangalore.En Inde: Vyakti Vikas Kendra. 19, 39th A Cross, 11th Main, 4th ‘T’ Block. Jayanagar, Bangalore 560 041. Tel 91- 80- 6645106. Fax: 6635175. Cours de 3 jours pour débutants et de 5 jours pour les autres. A lire absolument: « Lumière sur le Yoga » de B.K. Iyengar aux Editions Buchet et Chastel

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