Quatre grandes religions ont dominé l’Inde au cours des siècles. La plus ancienne, c’est bien sûr l’hindouisme, dont les origines remontent à la nuit des temps. Le bouddhisme, dérivé de l’hindouisme, est né cinq siècles avant Jésus Christ. Puis les invasions arabes amenèrent en Inde un Islam très militant. Enfin, le christianisme s’implanta dans le sous-continent avec les premiers missionnaires portugais.
1) L’HINDOUISME
…Disons le tout de suite: il n’y a pas d’Hindous. Ce mot fut inventé par les envahisseurs européens pour appeler un peuple qui vivait dans la vallée de l’Indus. Le mot Indou, qu’utilisent aujourd’hui bon nombre d’historiens, tel l’indianiste Guy Deleury dans son livre » le Modèle indou « , désigna pendant longtemps tous les habitants de l’Inde, qu’ils soient hindous, bouddhistes, musulmans ou chrétiens. Indou devint plus tard Hindous aux mains des colons.
Les origines de la religion hindoue se perdent dans la nuit des temps. Le décryptage récent des sceaux de l’Indus laisse à supposer que les Védas, les textes sacrés de l’hindouisme, furent composés environ 6000 ans avant JC. Qu’est ce donc que l’hindouisme ? Pour les Hindous, la descente du Non-Manifesté sur terre, c’est « jiva », l’âme, le Soi, une étincelle de l’Infini cachée en toute chose. » Aussi minuscule qu’un atome, aussi vaste que l’univers, le Soi est impalpable, on ne peut le saisir; éternel, il ne peut être détruit « . (Taittirîya Oupanishad). La philosophie indienne affirme que « jiva » se réincarne de vie en vie et se perfectionne au cours des âges: » Vieux et usé, il devient jeune encore et encore « , (Rig Veda). Autre concept important de l’hindouisme : le « dharma », qui est tout ce qui vous aide à redevenir conscient de votre âme, à aller vers la découverte intérieure de « jiva ». Pour ce faire, les Hindous ont codifié au cours des âges toute une série de systèmes et de disciplines auxquels ils donnèrent le nom de yoga, dont le plus connu en Occident est le « hata-yoga », le yoga du corps . La personnalité de chaque individu, énoncent-ils encore, est composée de trois éléments ou « gunas »: le tamas, qui est l’élément d’inertie, de lourdeur; le « rajas », l’énergie plus dynamique des désirs et des impulsions; et le « satwas », l’élément divin en nous. Tous ces yogas tentent donc de faire ressortir le « satwas », en sublimant le « tamas » et en mettant la bride au « rajas ». » Au commencement tout n’était qu’obscurité: « tamas ».Lorsque le non-Être s’extériorisa en la Matière, cette obscurité devint instable, à tendance désintégrante, et l’élément centrifuge apparut: « rajas ». Stimulé, il devint à son tour instable et la tendance cohésive se manifesta: « satwas ». (Maitrâyanî Oupanishad) Le « karma » est un autre théorème important de l’Hindouisme. Les Hindous (et les Bouddhistes) sont persuadés que toutes les actions, bonnes ou mauvaises, que nous commettons au cours de nos vies, portent automatiquement en elles une conséquence pour cette vie, ou de prochaines vies, sans aucune connotation morale, aucune notion de bien ou de mal. C’est ainsi que pour un Hindou, il n’y a pas d’injustice: la souffrance de cette vie, peut être la conséquence d’un « karma » encouru dans une autre vie. Et le bonheur d’aujourd’hui résulte de bonnes actions accomplies dans un autre corps.
La notion « d’avatar » est également essentielle à la compréhension de l’Hindouisme. Les Hindous pensent que l’Infini, l’Immanent, quels que soient les noms que nous lui donnons, s’est manifesté à différentes périodes cruciales de l’humanité sous différentes formes humaines. Le Christ, Krishna, Bouddha, Mahomet, Confucius, sont tous des « avatars » aux yeux des Hindous. Chacun de ces fils de Dieu a expliqué sa religion dans les termes et les paraboles qui convenaient à l’époque où il s’était incarné et aucun d’entre eux, excepté peut-être Mahomet, n’a prétendu qu’il était la seule incarnation de Dieu, ni la dernière, ou qu’il détenait l’absolue vérité. Ce sont les disciples, disent les Hindous, puis plus tard les papes ou les imams, qui ont donné à cette religion-là ou à cette autre son aspect exclusif, militant. » De même que d’un lac inépuisable s’écoulent des rivières de tous côtés, de même jaillissent des incarnations innombrables de Celui qui est la somme de toutes les réalités. Les voyants, les prophètes qui révèlent la Loi, les dieux, font tous partie de lui « , s’écriait il y a 5000 ans la Bhâgavata Purâna. Il est donc parfaitement normal pour un hindou de vénérer chez lui l’image du Bouddha, de Krishna (le dieu d’amour Hindou), du Christ et de la pierre noire de Kaaba. Du coup, l’Hindouisme n’a jamais tenté d’évangéliser, il n’a jamais utilisé la force de ses armées pour convertir d’autres nations. Enfin, les Hindous affirment que leur religion est la plus monothéiste au monde, parce qu’elle reconnaît l’Unité d’un seul Créateur, qui s’incarne dans la multitude. C’est cette unité dans la diversité de la religion hindoue, disent-ils, qui a été toujours méconnue, non-comprise en Occident. Les sages védiques estimaient ainsi » que même si dans sa forme manifestée le divin est nécessairement multiple, il ne saurait dans son essence être ni un ni plusieurs. Il ne peut donc être défini. Le divin est ce qui reste quand on nie la réalité de tout ce qui peut être perçu ou conçu « .
L’hindouisme a-t-il dégénéré aujourd’hui ? Indiscutablement, le système des castes s’est corrompu au fil des âges, comme le note le philosophe indien Sri Aurobindo: » L’esprit d’arrogance, d’exclusivisme et de supériorité des castes, en est venu à dominer la société indienne, au lieu de l’esprit de devoir qui régnait auparavant. C’est cette arrogance qui a affaibli l’Inde et a contribué à nous réduire à la condition présente ». Par ailleurs, l’intense et l’absolue aspiration mystique des Hindous vers l’Au Delà, leur éternelle quête de Dieu, devint à un moment de leur histoire si exclusive, si nihiliste, qu’ils commencèrent à négliger la matière. Et graduellement une immense inertie, un terrible tamas (principe d’inertie) s’empara de l’Inde. C’est ce tamas, cette négligence généralisée de la Matière par l’Esprit, qui laissa les hordes successives d’Arabes envahir l’Inde. C’est ce désintéressement du mondain, qui permit aux Anglais de subjuguer le sous-continent pour deux siècles. C’est cette apathie envers le physique, qui tolère aujourd’hui la déchéance matérielle de l’Inde . Pourtant, l’hindouisme a toujours su se renouveler au cours des âges, car écrit l’indianiste français Alain Daniélou, « ce n’est pas une religion dans le sens propre du mot, c’est une manière de vivre, une spiritualité innée, une des dernières au monde qui soit encore vivante ».
2) Le Bouddhisme
Qui ne connaît pas l’histoire du Bouddha, né Siddharta Gautama en l’an 566 avant J.C., dans un petit royaume de l’Est de l’Inde, à la frontière du Népal. La légende veut que son père, le roi Suddhodana, le protégea durant toute son enfance de tout contact avec le monde extérieur. Marié à l’âge de seize ans à la princesse Yasodhara, dont il eut un fils, il s’égara un jour dans la ville et rencontra un grabataire (la maladie), un vieil homme (la vieillesse), ainsi que la mort sous la forme d’un décédé qu’on brûlait. C’est alors que Gautama décida qu’il n’aurait de cesse d’atteindre l’immortalité. S’ensuivirent alors plus de vingt années de méditations et d’ascèses sous la direction de différend maîtres, qui culminèrent lorsqu’il reçut enfin l’illumination (bodhi) en 535 B.C. sous un figuier. Devenu Bouddha (illuminé), il consacra le reste de sa vie à propager sa doctrine de salut (moshka) jusqu’à sa mort à l’âge de 80 ans. Cet enseignement, appelé « dhamma », est simple: tout ici est non-permanent, illusoire et l’être humain lui-même est constitué d’un agrégat d’atomes, qui naissent et périssent à chaque instant. Toute la technique bouddhiste consiste à devenir conscient – par le biais de la méditation – de l’aspect illusoire de notre enveloppe corporelle, en observant la respiration ainsi que les sensations physiques, sans qu’elles en affectent la conscience (samata) . Le Bouddha affirmait ainsi que le désir naît d’une sensation physique sur le corps. Ce sont les sens, disait-il (ouïe, vue, toucher etc.), qui perçoivent d’abord l’objet du désir (une femme, par exemple); puis la conscience étiquette cet objet (jolie / laide); naît alors une sensation sur le corps, (agréable=jolie /désagréable=laide), qui à son tour est reconnue par la personnalité de l’ego (ah! une jolie femme/ah, quel bel homme !); ce n’est qu’alors que le désir se manifeste extérieurement (allons-y !). Il faut donc attraper le désir au niveau des sensations, avant qu’il ne se manifeste extérieurement. Pour le Bouddha, les sensations fortes (shankara) de chaque moment (colère, désir, peur etc.) sont emmagasinées au cours des vies dans un vaste subconscient; et c’est grâce à la méditation qu’elles peuvent remontent à la surface, où elles s’estompent et perdent leur force (psychothérapie), si le disciple est capable de les observer sans réagir (samata). Quand toutes ces shankaras ont ainsi remonté à la surface et que le « sadhak » (élève spirituel) est devenu conscient de la danse des atomes qui naissant et meurent à chaque instant dans son corps et à travers tout l’univers, il atteint le « nirvana », la libération du cycle infernal des renaissances. Le Bouddhisme, on l’a oublié, a une profonde influence sur notre civilisation occidentale. On sait par exemple, ainsi que l’a noté Schroeder (Pythagoras und die Inder), que presque toutes les doctrines philosophiques ou mathématiques attribuées à Pythagore sont dérivées du Sânkhya bouddhiste. Par ailleurs, beaucoup de sectes qui se développèrent en Palestine au Ier siècle avant J.-C., s’inspirent de concepts indiens, comme, le relève l’historien français Alain Daniélou: » la structure de l’Eglise chrétienne ressemble à celle du Chaitya bouddhiste et l’ascétisme rigoureux de certaines sectes des premiers âges chrétiens rappelle celui des bouddhistes. Nietzsche quant à lui, pensait » que le bouddhisme est la seule religion positiviste que nous montre l’histoire « . Mais après Nietzshe, c’est l’amnésie: l’écrivain français Jean-Pol Droit dans son livre ‘L’oubli de l’Inde », rappelle « que le philosophe bouddhiste Asanga, dont la pensée a peut-être une importance équivalente à celle d’Aristote , a disparu du dictionnaire de philosophes. Vide aussi sa place en librairie, même si en fait, il existe deux traductions françaises de ses oeuvres principales ».
Le plus connu des souverains bouddhistes, c’est l’empereur indien Ashoka, qui fut un remarquable souverain, et tenta, comme plus tard le Moghol Akbar, de trouver un syncrétisme aux diverses religions du sous-continent. Malheureusement, l’esprit de non-violence bouddhiste qu’il établit durant son règne, ouvrit la porte aux premières invasions, comme le remarque l’historien français Jacques Dupuis: » la mort d’Ashoka que l’on peut dater de 232 avant J.C., ne signale pas seulement la fin d’un règne, mais aussi le démantèlement et la fin d’un empire » . Selon l’historien grec Polybe, un souverain séleucide, Antiochos III le Grand (223-187), envahit l’Inde et se fit livrer des éléphants: c’était le début des invasions grecques qui culminèrent avec l’arrivée d’Alexandre le Grand. Après le concile de Palitpura qui définit le Bouddhisme orthodoxe (Hinayâna), tel qu’il se pratique encore aujourd’hui, Asoka fut aussi un des rares souverains indiens qui envoya des » missionnaires » propager le Bouddhisme de la Grèce jusqu’à Java. Le Bouddhisme, né en Inde, et qui s’implanta solidement aux quatre coins de l’Asie, disparut complètement de son pays d’origine moins de 1000 ans après la mort du Bouddha. On a voulu y voir une victoire du brahmanisme, mais en fait, ce sont surtout les invasions musulmanes, que la philosophie de non-violence du bouddhisme s’interdit de combattre, qui lui portèrent un coup fatal. On dit que c’est en Birmanie, où il fut amené au début de notre ère par deux moines indiens, que fut préservé le « dhamma » dans sa forme la plus pure. » le Bouddhisme reviendra en Inde après 2000 ans », avaient prédit ces moines. Et effectivement, le bouddhisme effectue aujourd’hui un grand retour en Inde.C’est en 1968 que Sri Goenka, le dernier en ligne d’une succession de grands maîtres bouddhistes birmans, s’en retourna en Inde (la famille de Goenka d’origine indienne, s’était établie en Birmanie depuis plusieurs générations), et fonda le Mouvement Vipassana, une technique de méditation, qui utilise, comme l’avait enjoint le Bouddha il y a 2500 ans, l’observation de la respiration et des sensations physiques. Cette technique, affirme Sri Goenka, est parfaitement cartésienne et peut être pratiquée par n’importe qui: hindou, musulman, chrétien. Aujourd’hui, le mouvement vipassana a construit une immense pagode en plein centre de Bombay et possède des centres partout dans le monde.
L’invasion du Tibet par la Chine en 1951 a également contribué à la renaissance du bouddhisme en éparpillant des grands maîtres aux quatre coins de la planète. « le karma noir du Tibet, s’est transmué en bon karma de l’Occident « , affirme souvent le dalaï lama, lui qui par ses voyages incessants de par le monde, a contribué le plus à cette renaissance. C’est ainsi qu’en France un million de nos compatriotes s’intéressent aujourd’hui au bouddhisme.
3) L’Islam
« L’impact de l’Islam en Inde » fut cataclysmique écrit l’Indianiste français Louis Frederick dans son ouvrage ‘L’Islam de l’Inde’. La destruction de toutes les statues, dont les Bouddhas géants de Bamiyan, ordonnée par les Taliban, vient nous rappeler que treize siècles après la naissance du Prophète, ses injonctions sont encore prises au pied de la lettre.En l’an 570 naissait le prophète Mahomet et à partir de 632, les invasions arabes commencèrent à pénétrer en Inde. Il ne s’agit pas ici de faire une critique de L’Islam, qui a laissé un merveilleux héritage dans le sous-continent indien. Car l’Islam ne tue pas l’âme d’un pays, il assimile sa culture, comme il l’a fait ici. L’architecture moghole, par exemple, préserva en Inde la parfaite symétrie linéaire du dessin musulman, en lui donnant une plus grande humanité; la musique vocale quawali, qui a charmé des générations d’Indiens et qui commence à se faire connaître dans le monde occidental grâce à feu Nusrat Fateh Ali Khan, emprunta à la tradition hindoustanie; le concept du zéro fut inventé par les Indiens, mais les Arabes s’en emparèrent pour en faire un système mathématique. Enfin et surtout, le Soufisme est né de la fusion de l’Islam avec l’Advaita, une des branches de l’Hindouisme, et représente encore aujourd’hui l’aspect le plus mystique, le plus tolérant du monde islamique.
Pourtant, l’Islam écrasa l’Hindouisme impitoyablement, car les Hindous se prosternent devant des images et des dieux de pierre et cela en fait les pires ennemis de l’Islam. Et le Prophète n’a-t-il pas dit: » tu n’adoreras pas des idoles de pierre « ? C’est pourquoi, les Arabes, lorsqu’ils envahirent l’Inde, ne se sentirent jamais coupables de tuer tant d’Hindous. Au contraire, c’était une obligation, un devoir sacré: Jihad fi Sabilillah, » la guerre sainte pour la plus grande gloire d’Allah « . Disons le tout de suite: les massacres perpétrés par les Arabes en Inde sont sans parallèle dans l’histoire mondiale. Plus encore que l’holocauste des Juifs par les Nazis, ou le massacre des Arméniens par les Turcs, plus considérables même que la tuerie des Incas et des Aztèques aux mains des Espagnols. On ne dira jamais assez l’incroyable mal qui fut fait à la culture indienne, à sa population, à sa civilisation et à son environnement pendant dix siècles d’invasions successives. » A partir du moment où les musulmans arrivèrent dans l’Inde, l’histoire de l’Inde n’a plus grand intérêt, écrit l’historien français Alain Daniélou, car elle devient une longue et monotone série de meurtres, de massacres, de spoliations, de destructions, toujours au nom de la foi, du dieu unique, dont ils se croient les agents ». Chaque nouvel envahisseur bâtissait littéralement sa montagne de crânes Hindous. Ainsi la conquête de l’Afghanistan en l’an 1000 fut suivie par l’annihilation de l’ENTIERE population hindoue de cette région, qu’on appelle toujours d’ailleurs » Hindu Kush « , le massacre des Hindous. Les Sultans Bahmani, qui gouvernaient en Inde centrale, s’étaient fixé un quota de 100.000 Hindous par an et semblent s’y être tenus. Mais en 1399, le célèbre Teimur fit mieux, il tua 100.000 Hindous en UNE SEULE JOURNEE, un record. L’historien américain Will Durant estime quant à lui » que la conquête musulmane en Inde fut probablement la plus sanglante que l’humanité ait jamais vue. C’est une histoire décourageante, car sa morale évidente c’est que la civilisation est une chose bien précieuse, dont l’ordre complexe et la liberté peuvent être à tout moment piétinés par des barbares qui envahissent du dehors et se multiplient au dedans « . (Notre héritage oriental. New York 1972, p.459). Mais les massacres musulmans les plus sanglants furent perpétrés après le 14ème siècle, aux mains des Moghols. Durant cite le sac par Husain Nizam Shah de la magnifique ville de Vijaynagar en 1565, capitale du dernier grand empire Hindou » qui était comme une île de raffinement, de chevalerie et de beauté au milieu d’une Inde brisée et sanglante « . Ce fut une horreur apocalyptique: » Pendant près de CINQ mois, les musulmans s’employèrent à tout détruire, les temples, les palais, les magnifiques résidences. Les scènes de massacre et d’horreur dépassèrent, disent les témoins, tout ce que l’esprit peut imaginer. Et il ne resta de la plus belle et la plus prospère cité de l’Inde que quelques ruines fumantes « . Un autre de ces féroces conquérants s’appelait Babour, illustre pour ses massacres inutiles. Babour ne cachait pas que son but final était la destruction, ou bien l’esclavage total de la race hindoue. C’est justement Babour qui détruisit le temple d’Ayodhya au 16è siècle et fit construire une mosquée à sa place. 400 ans plus tard, une poignée de militants hindous rasèrent la mosquée d’Ayodhya; la communauté musulmane en fut tellement outrée qu’il s’ensuivit des terribles émeutes inter-religieuses, particulièrement à Bombay, qui firent près de 2000 morts. Aujourd’hui, Ayodhya est devenu un symbole en Inde: les musulmans exigent sa reconstruction, oubliant qu’ils ont détruit en Inde des millions de temples et qu’aujourd’hui encore les Pakistanais et les Bangladeshis s’attaquent encore lors de pogroms (tel celui que Taslima Nasreen décrit dans son livre « la honte ») aux derniers temples hindous. Quant aux nationalistes hindous, ils insistent pour y reconstruire le temple dédié à Rama, un de leurs dieux les plus chéris.
Autre empereur sanglant, Shah Jahan, célèbre pour avoir fait construire une des sept merveilles du monde, le fabuleux Taj Mahal; mais l’homme en lui-même était un monstre: il fit crever les yeux de son frère Shahryar, dépêcha dans l’autre monde tous ses rivaux potentiels, fit mettre à mort deux de ses fils et fit couper en petits morceaux le prince afghan Lodi. C’est cependant un autre de ses fils, Aurangzeb, qui fut le plus cruel des empereurs moghols. Lorsque les célèbres Mahrattes de Shivaji, le dernier nationaliste hindou, s’élevèrent contre lui, Aurangzeb réussit à faire prisonnier Shambuji, le fils de Shivaji, ainsi que son ministre Kavi-Kalash. Il les fit torturer scientifiquement pendant trois semaines; puis on les coupa en petits morceaux, jusqu’à ce qu’ils meurent le 11 mars 1689; toute l’Inde en pleura. A la fin de son règne, les coffres de l’état étaient vides, la merveilleuse culture indienne, ses arts, sa musique, avaient été bannis et les Hindous, une fois de plus étaient hantés par une terrible persécution. Mais les malheurs des Hindous n’étaient pas terminés. L’Iranien Nadir Shah attaqua Delhi en 1739 et pendant une semaine entière, ses soldats massacrèrent tous les habitants, hommes, femmes et enfants, saccagèrent tout et rasèrent totalement la campagne environnante, afin que les éventuels survivants n’aient rien à manger. Nadir Shah repartit en Iran avec 10.000 chevaux, des trésors d’art inestimables, dont le fameux diamant Kohinoor et le trône du Paon utilisé plus tard par le Shah d’Iran, ainsi que150 millions de roupies en or, une fortune pour l’époque. Du coup, la dynastie moghole en devint si affaiblie, que l’Inde fut mûre pour les colonisateurs européens.
4) LE CHRISTIANISMEDe nombreux chrétiens persécutés en Orient par l’Islam, s’établirent à partir du 6ème siècle en Inde, connue pour sa tolérance religieuse. Ce fut le cas des chrétiens de Perse et de Syrie, qui trouvent refuge sur les côtes du Malabar au Kerala. Les maharajas hindous de l’époque leur allouèrent terres et subventions afin de construire leurs églises; et la petite communauté prospéra, put pratiquer sa religion en paix et devint connue sous le nom de chrétiens de Syrie. » Fâcheusement, écrit l’historien indien Sitaram Goel, lorsque Vasco de Gama arriva au Kerala en 1498, la plupart des chrétiens de Syrie se rallièrent autour des Portugais et dénoncèrent à l’Inquisition leurs voisins hindous, qui leur avaient accordé une hospitalité si généreuse pendant onze siècles « . Certainement, des premiers colons européens, ce sont les Portugais qui pratiquèrent le prosélytisme le plus sanglant. Vasco de Gama fut lui-même chaleureusement reçu par Zamorin, le roi hindou de Calicut, alors capitale du Kerala, qui lui permit d’établir des factoreries, à condition de s’en tenir à ces comptoirs. Mais les Portugais demandèrent chaque jour de nouvelles concessions et au lieu de se contenter des avantages financiers qu’ils retiraient, cherchèrent à établir leur hégémonie sur les mers orientales et à assaillir les navires des autres nations, ce qui déplut à Zamorin. Les Portugais se lancèrent alors dans de sombres intrigues politiques et s’allièrent au souverain de Cochin, principal rival de Zamorin. C’est en 1510 qu’Alfonso de Albuquerque s’empara de Goa, où il instaura un règne de terreur, brûlant les hérétiques, crucifiant les brahmanes et encourageant ses soldats à prendre des maîtresses indiennes (d’où les noms portugais de nombreux habitants de Goa aujourd’hui). » Or Goa, écrit l’historien français Guy Deleury, de son vrai nom indien Gomäntak, était avant la conquête, un centre religieux hindou fort important dominé par de nombreuses communautés de brahmanes qui y possédaient une grande quantité de temples. Tout porte à croire que ces brahmanes n’auraient eu aucune objection à servir un prince chrétien, comme ils s’accommodaient à l’époque des sultans musulmans, mais les Portugais investis par le pape de la mission de convertir les païens sous leur juridiction, exproprièrent les brahmanes et détruisirent leurs temples pour avec leurs pierres construire des églises « . A sa mort en 1515, Albuquerque avait réussi à assurer la prédominance portugaise sur les côtes de l’Inde. Mais les Portugais ne furent jamais assez nombreux, ni assez forts, pour donner à leurs massacres l’ampleur d’un génocide. D’ailleurs, ils furent rapidement supplantés par les Anglais et il ne leur resta plus que Goa, Diu et Daman, de minuscules territoires, plus insignifiants les uns que les autres. Cela ne les empêcha d’être les derniers à quitter l’Inde – et à contrecoeur en plus: il fallut que Nehru envoya ses chars en 1956.
Et les Français alors ? Anand Ranga Pillai, l’admirable courtier de Dupleix, raconte dans ses fameux carnets comment Mme Dupleix et les Jésuites réussirent à faire raser l’ancien temple hindou de Pondichéry le Kalahasti Iswaran, lors du siège des Anglais de 1748: » alors le Père Coeurdoux frappa le lingam (symbole de Shiva) avec un marteau et ordonna aux soldats de briser les autres idoles, disant sur ce à Madame qu’elle était une de ces grandes âmes qui avait réussi ce qu’eux, les Jésuites, n’avaient pu accomplir en 50 ans « . Et Pillai conclut:: » le temple a été rasé et le coeur des Pondichériens est en peine. Les sages diront cependant que la gloire d’une image est aussi éphémère que le bonheur humain « . Les Anglais furent plus discrets, mais ils n’en pensaient pas moins. Claude Buchanan, un célèbre aumônier attaché à la Compagnie, déclarait ainsi: » qu’on ne peut trouver dans le coeur d’un Hindou ni la vérité, ni l’honnêteté, ni l’honneur, ni la gratitude, ni la charité « . ! Lord Hastings, Gouverneur Général des Indes en 1813, était on ne peut plus d’accord avec son chapelain. Extrait de son journal daté du 2 Octobre 1813: » L’Hindou apparaît être un humain limité à de simples fonctions animales…avec un intellect pas plus élevé que celui d’un chien, d’un éléphant, ou d’un singe « . Les Anglais s’appliquèrent donc à éduquer les « singes ». L’apôtre de l’enseignement anglophone et chrétien en Inde, c’est Thomas Babbington Macaulay, qui déclara : » Je crois réellement que si nous réussissons à instruire les Indiens dans nos écoles, il ne restera pas un seul idolâtre dans trente ans. Et ceci sera effectué sans prosélytisme, sans la plus petite interférence dans leur liberté religieuse « . (Macaulay, The shaping of the historian, New York, Viking, p, 412). Macaulay sut utiliser le respect de l’érudition qu’ont les Hindous, particulièrement les brahmanes, afin de les convaincre du bien-fondé de la doctrine chrétienne. Il créa ainsi une nouvelle classe sociale indienne, anglicisée, coupée de ses racines, qui avait honte de sa culture et de sa religion et dont on retrouve aujourd’hui certains descendants parmi l’intelligentsia indienne.
Cependant, aucune histoire du christianisme en Inde ne serait complète si l’on ne mentionnait le remarquable travail qu’y ont accompli les missionnaires, particulièrement dans le domaine de la santé et de l’éducation. Le Kerala par exemple, est aujourd’hui l’état le plus alphabétisé de l’Inde, en grande partie grâce à l’éducation catholique qui y a été impartie. Et aujourd’hui encore, vous pouvez rencontrer dans les coins les plus reculés de l’Inde, un de ces frères, ou une de ces soeurs, qui sont là depuis 40 ans, qui ne cherchent même plus à convertir, et dont l’esprit de vraie charité chrétienne vous touche profondément. Le journaliste indien Arun Shourie, un des critiques les plus ardents du missionnariat chrétien en Inde, reconnaît lui-même » que Mère Theresa ne serait jamais devenu une sainte, si nous les hindous, nous occupions un peu plus de notre prochain et ne laissions pas mourir nos frères sur les trottoirs de Calcutta. Une religion qui s’occupe uniquement du salut individuel et néglige la charité, s’expose à de graves conséquences ».
Comments